Centre de suivi de la mésinformation sur l'élection française

Centre de suivi de la mésinformation sur l'élection française : les principaux mythes qui se répandent en ligne au sujet du scrutin d’avril 2022, freinés par l’attention portée par les colporteurs d’infox à la pandémie et à la guerre en Ukraine.

Par Chine Labbe, Sophia Tewa, et Edward O’Reilly
Sonia Higgins a aussi contribué à ce rapport.

Dernière mise à jour le 29 avril 2022. 

Fin 2020, à la suite de l’élection présidentielle américaine, et du déluge d’infox que ce scrutin a généré autour de l’idée d’une fraude massive, les experts de la désinformation ont commencé à s’inquiéter : ce phénomène pourrait-il se répéter dans d’autres démocraties? Ou la mésinformation électorale allait-elle rester un phénomène purement américain?

En décembre 2020, NewsGuard a recensé plus de 40 sites en français, italien, et allemand qui avaient promu de fausses allégations sur l’élection américaine de 2020. Sur 19 sites francophones listés comme ayant publié des infox sur le scrutin américain immédiatement après le vote de novembre 2020, 10 continuaient à publier de fausses allégations sur le sujet un an plus tard, entre septembre et décembre 2021.

La mésinformation sur le processus électoral était en train d’atteindre l’Europe – menaçant, en France, d’alimenter la défiance dans le processus démocratique avant l’élection présidentielle d’avril 2022.  

Toutefois, jusqu’à mi-mars 2022, NewsGuard a constaté qu’un mois avant le premier tour de l’élection – qui se déroule en deux tours, les 10 et 24 avril 2022 –  le risque d’explosion de la mésinformation liée au scrutin semblait faible, relégué aux groupes les plus extrêmes sur les réseaux sociaux, et ces récits étaient ignorés par la plupart des sites d’infox présents dans la base de données de NewsGuard. Au 31 mars 2022, soit 10 jours avant le premier tour, 102 articles de vérification avaient été publiés par “Objectif Désinfox,” une coalition de 23 médias français créée pour fact-checker les rumeurs, infox, fausses allégations, et déclarations des candidats avant le scrutin. Seuls huit de ces 102 articles touchaient à la question de l’intégrité électorale, et la moitié d’entre eux avaient été publiés sur le site dans les trois dernières semaines de mars.

Plusieurs facteurs expliquent que ces récits n’aient pas émergé aussi fortement qu’initialement craint. D’abord, la pandémie de COVID-19, et les fausses allégations sur les pass sanitaire et vaccinal, ainsi que les vaccins eux-mêmes, ont monopolisé  l’attention de la plupart des colporteurs d’infox, reléguant les allégations sur l’élection aux marges d’internet. Au 7 mars 2022, 59 sites d’information francophones contribuaient à cette “infodémie”.

Puis, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a aussi capté l’attention de la plupart des sites de mésinformation francophone. Au 4 avril 2022, NewsGuard avait recensé 172 sites relayant de fausses allégations sur l’Ukraine, dont 33 sites francophones.

Toutefois, après le debut de la guerre en Ukraine, et avec la publication de la liste définitive de candidats, le 8 mars 2022, la menace d’un “Stop the Steal” à la française (imitant la campagne infondée selon laquelle l’élection présidentielle américaine n’aurait pas été perdue par Donald Trump), a commencé à refaire surface doucement, comme a pu le constater NewsGuard. 

Même s’ils restent pour le moment marginaux, NewsGuard a constaté que plusieurs faux récits ont commencé à émerger avant le premier tour de l’élection présidentielle. Parmi ces récits figurent:  

  • Des mythes sur l’élection liés à l’Ukraine, présentant souvent la guerre comme un “prétexte” utile au président Emmanuel Macron, pour lui permettre de rester au pouvoir.
  • Des mythes sur un prétendu risque de fraude massive. 
  • Des mythes sur les sondages, avec des images manipulées, ou des sondages fabriqués de toutes pièces circulant en ligne. 

Ces mythes sont souvent apparus sur fond de préoccupations légitimes : 

NewsGuard continuera à surveiller ces tendances et les mythes associés dès qu’ils émergent, et à documenter la trajectoire des récits relatifs à une fraude en France, surtout dans l’entre-deux tours, et après l’élection. A ce titre, il est important de souligner que ces dernières semaines, au moins deux groupes se sont formés, appelant les citoyens français à assister au dépouillement des votes, à enregistrer les résultats pour comparer les résultats officiels aux résultats observés, et à s’assurer que les résultats sont pleinement transparents, comme l’a rapporté Libération en mars 2022. 

Sur cette page, l’équipe de journalistes de NewsGuard suit la piste des principaux mythes liés à l’élection présidentielle française de 2022. Ces mythes sont apparus sur les réseaux sociaux, ou sur des sites francophones évalués Rouge (c’est-à-dire généralement peu fiables) par NewsGuard. 

Principaux mythes sur l'élection française :


MYTHE : Une vidéo de France 2 montre que plus d’un million de votes pour la candidate d’extrême droite Marine Le Pen ont disparu  le 24 avril 2022, avant que les résultats finaux de l’élection soient annoncés. 

LES FAITS : Peu après que le président français Emmanuel Macron a été déclaré vainqueur face à Marine Le Pen, le 24 avril 2022, des allégations non fondées sur une présumée fraude électorale ont fait surface, selon lesquelles France 2 aurait révélé en direct pendant un court moment, plus tôt dans la soirée, que la candidate d’extrême droite avait gagné 14,4 millions de votes, avant de mystérieusement perdre un million de votes environ. Cette allégation s’est répandue sur les réseaux sociaux, et sur plusieurs sites évalués Rouge (c’est-à-dire peu fiables) par NewsGuard, dont  Qactus.fr, BrujitaFr.fr et Fawkes-news.com.

A l’issue du second tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen a gagné environ 13,3 millions de votes, selon les données officielles du ministère de l’Intérieur. Toutefois, des posts alléguant une fraude électorale ont présenté comme preuve de cette fraude un clip vidéo de la couverture en direct de la soirée électorale par France 2 dans lequel, à environ 21h10 (soit une heure après qu’Emmanuel Macron a été déclaré vainqueur du scrutin, au vu d’une estimation fournie par les sondeurs, et alors que les votes continuent à être comptabilisés), un graphique interactif à l’écran a attribué quelque 14,2 millions de votes à Emmanuel Macron, et 14,4 millions de votes à Marine Le Pen.  

Le jour suivant, le 25 avril 2022, le compte de l’information de France 2 sur Twitter a indiqué que le chiffre de 14 millions qui avait bien été affiché à l’écran pendant un court moment était incorrect, et dû à “une erreur informatique”. “Une erreur informatique nous a amenés à afficher des chiffres erronés lors de la soirée électorale de France 2, dimanche 24 avril”, a tweeté France 2 le 25 avril. “Nous prions nos téléspectateurs de nous en excuser”. 

Même si France 2 a mis à jour les chiffres diffusés à l’écran peu de temps après l’incident, le soir du second tour, la chaîne n’a pas mentionné cette erreur à l’antenne lors de la soirée électorale du 24 avril. 

France 2 a précisé sur Twitter que le ministère de l’Intérieur, qui fournit les résultats des élections, “n’a jamais attribué 14 millions de voix à Marine Le Pen”. Et d’ajouter : “À 21h10, l’écran affiche 14,2 millions de voix pour Emmanuel Macron et 14,4 millions de voix pour Marine Le Pen. Le logiciel qui permet à la chaîne d’afficher les données du ministère de l’Intérieur a compté les voix de certaines communes deux fois pour les deux candidats. Cette erreur, constatée immédiatement, a été corrigée par la suite”. 

Des pages archivées des résultats électoraux sur le site du ministère de l’Intérieur, accessibles via le site Wayback Machine,  qui permet de consulter des versions antérieures de pages web, montrent que le nombre de voix pour Marine Le Pen n’a jamais dépassé 13,3 millions le soir de l’élection. A 21h21, le site du ministère de l’Interieur affichait 15,9 millions de voix pour Emmanuel Macron et 12,4 millions pour Marine Le Pen. 

Dans un email du 26 avril adressé à NewsGuard en réponse à une question sur l’erreur de France 2, un représentant du ministère de l’Intérieur a écrit : “Lors du second tour de l’élection présidentielle, la remontée des résultats s’est déroulée sans aucune difficulté ; aucun signalement n’a été relayé au ministère de l’Intérieur notamment de la part des nombreux journalistes” qui étaient connectés au flux de données des résultats du ministère, dans la nuit de dimanche à lundi.


MYTHE : Une capture d’écran de CNews montre que le président ukrainien et le chancelier allemand ont félicité Emmanuel Macron pour sa réélection un jour avant qu’il soit effectivement réélu, ce qui prouve qu’une fraude a eu lieu.  

LES FAITS : Lundi 25 avril , le lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron, de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux ont posté une capture d’écran de la chaîne d’actualité CNews comme preuve qu’une fraude avait eu lieu, et que l’élection était truquée en faveur d’Emmanuel Macron, avant même que les gens aillent voter. 

Cette capture d’écran de CNews montrait un bandeau en bas de l’écran disant: “DERNIERE MINUTE: E. Macron a eu ce samedi soir au téléphone (le chancelier allemand) Olaf Scholz et (le président ukrainien) Volodymyr Zelensky qui l’ont tous deux félicité pour sa réélection”. Étant donné que l’élection a eu lieu un jour plus tard, le dimanche, certains utilisateurs des réseaux sociaux y ont vu une preuve de fraude. Plusieurs captures d’écran de la même image ont circulé sur internet, avec des flèches pointant vers le mot “samedi”. 

Il est exact qu’Olaf Scholz et Volodymyr Zelensky ont félicité Emmanuel Macron pour sa réélection par téléphone, comme plusieurs médias l’ont rapporté. Mais ils l’ont appelé le dimanche 24 avril 2022, après sa réélection, et non pas un jour plus tôt. 

Dans un email d’avril 2022 à NewsGuard, Virginie Grandclaude, directrice de la communication de CNEWS, a indiqué que la capture d’écran partagée sur les réseaux sociaux était bien réelle, mais que la personne chargée d’écrire le bandeau pour la chaîne avait écrit par erreur samedi au lieu de dimanche.  La capture d’écran a été extraite d’un journal diffusé dans la nuit de dimanche à lundi, et non plus tôt, a-t-elle ajouté.

“C’est bien une erreur ”, a dit  Virginie Grandclaude. “Au lieu de dimanche soir, ils ont écrit samedi soir. Nous sommes désolés”. 


MYTHE : Des bugs sur des machines à voter électroniques ont favorisé Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle de 2022.

LES FAITS : Après le second tour de l’élection présidentielle de 2022, des utilisateurs des réseaux sociaux ont affirmé que des bugs et dysfonctionnements avaient affecté des machines à voter électroniques pour favoriser Emmanuel Macron. Certains internautes ont affirmé que des machines à voter n’enregistraient pas les votes pour Marine Le Pen, et d’autres que les machines ne montraient pas pour qui l’électeur avait voté

Quand NewsGuard a interrogé le ministère de l’Intérieur au sujet de ces allégations, un représentant du ministère a dit à NewsGuard dans un email d’avril 2022 :  “Nous n’avons eu, au niveau du ministère de l’Intérieur, aucune remontée de dysfonctionnements qui auraient pu intervenir sur des machines à voter”. 

Il a ajouté que le code électoral contenait des dispositions pour les personnes rencontrant des difficultés à voter. L’article R. 52 du code électoral dit : “Pendant toute la durée des opérations de vote, le procès-verbal est tenu à la disposition des membres du bureau, candidats, remplaçants et délégués des candidats, électeurs du bureau et personnes chargées du contrôle des opérations, qui peuvent y porter leurs observations ou réclamations”. 

Ce représentant du ministère de l’Intérieur a ajouté : “Si des dysfonctionnements sont constatés, ils doivent être reportés sur les procès-verbaux. Ces derniers sont ensuite contrôlés par une commission de recensement puis par le Conseil constitutionnel qui peut prendre toute mesure qui s’impose”. 

Le Conseil constitutionnel, l’institution chargée de veiller à la régularité de l’élection présidentielle, examine toutes les réclamations avant de proclamer l’élection. Le 27 avril 2022, trois jours après le second tour, le Conseil a officiellement proclamé l’élection d’Emmanuel Macron, avec 58,55% des voix.

Dans une déclaration publiée sur son site, le Conseil constitutionnel a indiqué avoir annulé 20.594 suffrages dans 48 bureaux de vote, “en raison d’irrégularités”, soit 0,06% du total des votes. “C’est dire que dans l’ensemble, les règles du processus électoral ont été respectées”, a ajouté Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel. 


MYTHE : Avant le second tour de l’élection présidentielle, une vidéo a trouvé des preuves de fraude électorale impliquant des bulletins de vote déchirés envoyés par courrier à certains électeurs.  

LES FAITS : Il  n’existe aucune preuve que des bulletins déchirés aient été envoyés à des électeurs français dans le but de truquer l’élection présidentielle de 2022. Cette allégation est apparue peu de temps avant le second tour de l’élection, le 24 avril 2022, quand un utilisateur de YouTube a posté une vidéo montrant un homme ouvrir trois enveloppes contenant trois bulletins de vote normaux pour Emmanuel Macron, et trois bulletins légèrement déchirés pour Marine Le Pen. Ces enveloppes, qui contiennent les professions de foi des candidats et des bulletins de vote avec le nom de chaque candidat, sont envoyées aux électeurs français quelques jours avant l’élection.  

Ce clip vidéo, intitulé “election bultin (sic) truqué attention ?” avait été vu plus de 20.000 fois sur YouTube en avril 2022. Il avait aussi été partagé sur TikTok, Telegram, et d’autres plateformes par des internautes pro-Le Pen affirmant que cette vidéo constituait une preuve de fraude.

Les bulletins abîmés ou portant des marques sont généralement considérés comme nuls. Vie-Publique.fr, un site d’information du gouvernement, indique que “le vote nul correspond à des bulletins déchirés ou annotés, qui ne peuvent pas être pris en compte dans les résultats de l’élection”. Toutefois, de très petites déchirures sur un bulletin, comme celles présentées dans la vidéo virale,  peuvent survenir en raison de la quantité de bulletins produits (200 millions pour le second tour de l’élection), et sont généralement dues à des défauts d’impression. Elles ne doivent pas constituer une cause de nullité, ont indiqué en avril 2022 à NewsGuard le ministère de l’Intérieur et la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle (CNCCEP). 

“La très légère déchirure présente sur le bord des bulletins en cause ne constitue pas, en toute hypothèse, une cause de nullité”, a dit un représentant du ministère de l’Intérieur par email, en réponse à une question de NewsGuard sur cette vidéo. “En outre, et c’est principalement ce qu’il fallait considérer, dans l’éventualité où le bulletin présent dans l’enveloppe présentait un défaut, l’électeur avait toujours la faculté de prendre un nouveau bulletin mis à sa disposition dans son bureau de vote”.

En effet, les électeurs peuvent utiliser les bulletins reçus par la poste, ou ceux mis à leur disposition dans les bureaux de vote le jour de l’élection. La personne à l’origine de la vidéo YouTube, un habitant de Romeries, dans le nord de la France, a déclaré à l’AFP qu’il avait finalement voté au moyen d’un bulletin obtenu dans son bureau de vote. “Je suis allé voter et j’ai pris un bulletin directement sur place”, a-t-il dit. “Le but de ma vidéo était surtout d’avertir mes proches de ne pas utiliser ceux qui étaient déchirés”.

Gaëtan Genel, chargé de communication pour la préfecture du Nord, où habite l’auteur de la vidéo, a déclaré dans un email d’avril 2022 à NewsGuard que seulement 16 communes parmi les 648 municipalités du département avaient signalé des bulletins de vote légèrement endommagés.


MYTHE : Un sondage réalisé à l’étranger a prédit qu’Emmanuel Macron serait battu à 61% au second tour de l’élection présidentielle. 

LES FAITS : Le 14 avril 2022, entre les deux tours de l’élection présidentielle française – qui a lieu les 10 et 24 avril 2022 – un tweet d’un utilisateur anonyme de Twitter affirme qu’un sondage réalisé à l’étranger montre qu’Emmanuel Macron sera battu à 61% au second tour du scrutin, contredisant en cela les sondages nationaux, qui prédisaient tous à ce moment-là une victoire d’Emmanuel Macron. Au 20 avril 2022, ce message avait été retweeté 966 fois. 

Ce tweet contenait une image de ce qui ressemblait à un article de journal, avec une photo du président sortant sous ce titre : “Macron battu à 61%”. Le tweet disait : “Sondage fait à l’étranger”, sans aucune autre information.  

En réalité, cette photo est un montage qui a été créé avec un générateur de mèmes en ligne souvent utilisé pour créer de faux titres d’actualité. Cette image manipulée apparaît sur des sites de générateurs de mèmes comme KnowYourMeme.com et PhotoFunia.com, comme l’ont souligné des fact-checkeurs de 20 Minutes et France 24 en avril 2022.

Plusieurs détails de l’image montrent qu’il s’agit d’un faux. D’abord, aucun journal appelé “Le Covidien Libéré”, nom qui apparaît en haut à droite de l’image, ne semble exister. Par ailleurs, en haut à gauche de l’image, le journal est daté du 25 avril 2022, soit le lendemain du second tour de l’élection, et 11 jours après que ce tweet a été posté. 

L’utilisateur qui a tweeté cette image le 14 avril se présente sur Twitter comme un “conservateur en faveur des valeurs traditionnelles qui s’opposent au progressisme”. Dans un tweet posté le jour suivant, il a qualifié le faux sondage de “parodie”.  

Selon un article publié par Reuters le 19 avril 2022, trois sondages réalisés au sujet du second tour prédisaient alors un score moyen de 55,83% pour Emmanuel Macron, devant la candidate d’extrême droite Marine Le Pen.


MYTHE : Emmanuel Macron est arrivé premier dans 67,2% des machines à voter électroniques au premier tour de l’élection présidentielle, ce qui prouve qu’elles ont été utilisées pour le favoriser frauduleusement. 

LES FAITS : Dans les jours qui ont suivi le premier tour de l’élection présidentielle de 2022, de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux, ainsi que certains sites ont affirmé qu’Emmanuel Macron était arrivé premier au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 sur 67,2% des machines à voter électroniques utilisées pour voter dans le pays, laissant ainsi entendre que ces machines avaient été utilisées pour  le favoriser frauduleusement. De nombreux internautes semblent avoir fondé cette affirmation sur la fausse allégation selon laquelle Emmanuel Macron aurait obtenu le plus de votes dans 41 des 64 villes françaises ayant utilisé des machines à voter. D’autres internautes ont aussi affirmé que le président sortant avait obtenu 67,2% des voix dans les machines à voter.

Le ministère de l’Intérieur, responsable de l’organisation de l’élection, a dit à Libération n’avoir reçu aucun signalement au sujet des machines électroniques à voter après le premier tour de l’élection, et ajouté qu’“aucune irrégularité n’a été constatée par les préfectures, les commissions de recensement ou le Conseil constitutionnel”. 

Quant aux chiffres spécifiques avancés dans ces allégations, aucun n’est correct. Comme l’a souligné Libération, il est impossible de dire qu’Emmanuel Macron est arrivé premier dans 67,2% des machines à voter électroniques. En effet, le ministère de l’Intérieur ne communique pas les résultats de vote par bureau. Isoler les résultats des bureaux ayant utilisé des machines à voter électroniques n’est donc pas possible.  

Par ailleurs, il est trompeur de dire qu’Emmanuel Macron a obtenu le plus de voix dans 41 des 64 villes françaises ayant utilisé des machines à voter électroniques, et de laisser entendre que celles-ci ont servi à le favoriser par rapport aux autres candidats

Emmanuel Macron est bien arrivé en tête dans 36 des 63 villes ayant utilisé des machines à voter électroniques, comme l’a rapporté Libération.  

Toutefois, s’il est vrai qu’Emmanuel Macron a obtenu, en moyenne, un score un peu meilleur dans ces 63 villes que celui obtenu au niveau national, avec 30,08% des voix dans ces villes, contre 27,85% au niveau national, Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la gauche radicale, a lui aussi obtenu un score un peu meilleur dans ces villes, avec 23,79% des voix, contre 21,95% au niveau national. Ainsi, il est faux de dire que les machines à voter ont été utilisées pour favoriser de manière frauduleuse Emmanuel Macron par rapport aux autres candidats.  

Les scores un peu meilleurs d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc-Mélenchon dans les villes avec machines à voter peuvent s’expliquer en partie par le fait qu’un tiers de ces villes se trouvent en Ile-de-France, où ces deux candidats ont chacun obtenu plus de 30% des voix, selon Libération. Emmanuel Macron a aussi obtenu des scores plus bas que son score national dans des villes avec machines à voter, dont Condé-sur-l’Escaut et Marignane, où il est arrivé troisième, loin derrière la candidate d’extrême droite Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, ou encore Montereau-Fault-Yonne, où il a obtenu moins de 16% des voix. 


MYTHE : Les résultats du premier tour ont été illégalement annoncés alors que certains électeurs faisaient toujours la queue pour voter.

LES FAITS : De nombreux journalistes et des électeurs parisiens ont décrit des files d’attente de plusieurs heures dans certains bureaux de vote lors du premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2022. Une vidéo montrant plus de 50 électeurs faisant la queue dans une école parisienne transformée en bureau de vote dans le 18e arrondissement de la capitale a été partagée sur plusieurs réseaux sociaux, avec des commentaires d’internautes affirmant à tort que les résultats avaient été illégalement annoncés alors que des électeurs attendaient encore pour voter.

Certaines de ces publications ont été postées avec le même message : “Urgent !! De nombreux parisiens découvrent les résultats du 1er tour alors qu’ils sont encore dans les files d’attente pour voter !! mais quelle mascarade !! ceci est complètement illégal !! le vote est du coup complètement biaisé !! la fraude est totale !!”. 

NewsGuard a constaté que la vidéo avait d’abord été publiée sur Twitter à 20h04 par le journaliste freelance Clément Lanot, qui a écrit dans son post : “Annonce des résultats alors qu’une grande partie des gens n’ont pas voté dans ce bureau de vote du 18eme arrondissement de Paris”.

Il est vrai que le verdict du premier tour a été annoncé par les médias à 20 heures, alors que certains électeurs faisaient encore la queue pour aller voter. Cependant, cela n’est pas illégal. Les médias français ont dû attendre jusqu’à 20 heures, une fois tous les bureaux de vote fermés, avant de révéler les estimations du premier tour. Cependant, selon les procédures de vote, certains bulletins tardifs sont encore acceptés et comptés dans les bureaux de vote après cette heure.

“Le vote après 20 heures”, heure de fermeture des bureaux de vote dans les grandes villes françaises, est “autorisé si les électeurs se sont présentés dans le bureau de vote avant 20 heures”, comme l’a expliqué la mairie de Paris à l’AFP en avril 2022.

En raison de longues attentes, des électeurs dans une trentaine de bureaux de vote à Paris n’ont pu voter qu’après 20 heures le 10 avril, y compris dans le 18e arrondissement, selon la station de radio France Bleu. Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’Intérieur, a répondu à un journaliste tweetant à propos de sa longue file d’attente le 10 avril, en lui indiquant que, selon une circulaire sur l’élection présidentielle de 2022 envoyée par le ministère aux maires, “le scrutin est considéré comme clos 1 fois que la dernière personne placée dans la file d’attente avant l’heure de clôture a effectué son vote. Passé l’heure limite de clôture, il est recommandé aux présidents du bureau de vote de placer une barrière ou un obstacle à la fin de la file d’attente afin d’empêcher les éventuels retardataires de rentrer au sein de celle-ci”. La mairie de Paris a confirmé à France Bleu qu’à 20 heures, le 10 avril, un agent avait fermé la file des bureaux parisiens pour s’assurer que tous les électeurs dans la queue à cette heure-là seraient en mesure de voter.


MYTHE : Lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, une tentative de fraude a été repérée après que des bulletins de vote pour Éric Zemmour ont été marqués afin d’être invalidés, comme l’imposent les règles électorales.

LES FAITS : Le jour du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, et dans les jours qui ont précédé le scrutin, des utilisateurs de Twitter soutenant la candidature d’Éric Zemmour ont affirmé que certains bulletins en sa faveur comportaient des marques, ce qui entraînerait leur rejet s’ils étaient utilisés pour voter. Certains de ces soutiens ont posté des photos de bulletins pour Éric Zemmour marqués de petites taches.

Ces allégations semblent faire référence à une règle du code électoral qui stipule que “les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance (…) n’entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement”.

Cependant, deux spécialistes du droit électoral ayant examiné des photos de bulletins postées par des partisans d’Eric Zemmour ont, lors d’un entretien avec la chaîne d’information France 24, rejeté l’idée que ces bulletins seraient invalidés. Après avoir vu certains des bulletins de vote apparaissant dans des tweets de partisans d’Eric Zemmour, Christophe Pichon, avocat spécialiste en droit électoral, a déclaré : “Ces bulletins ne pourraient a priori pas être annulés (…) Le code électoral dispose que les bulletins peuvent être annulés dans le cas où ils portent une mention manuscrite susceptible d’être un signe de reconnaissance. Par exemple, une croix dessinée au stylo pourrait annuler le vote. Mais un point de crayon ou une petite tâche sur les bulletins, comme ici, quand on voit que ce n’est pas rajouté, et que ça n’altère pas le message, ce n’est pas de nature à annuler le vote”.

Le journal 20 Minutes n’a trouvé aucun signalement indiquant que des bulletins pour Eric Zemmour avaient été invalidés à grande échelle, après avoir contacté l’Association des maires de France, l’équipe de campagne d’Éric Zemmour, le ministère de l’Intérieur et la préfecture du Var (sud-est de France), où l’un des utilisateurs de Twitter avait affirmé avoir reçu un bulletin de vote taché.

Un représentant du ministère de l’Intérieur a déclaré à 20 Minutes que la décision d’invalider un bulletin relevait de la compétence du bureau de vote, et que les bulletins nuls étaient ensuite examinés par le Conseil constitutionnel, l’institution chargée de veiller à la régularité de l’élection présidentielle. Sur les 0,5% de votes du premier tour déclarés nuls, seulement 5,1% ont été exprimés en faveur d’Éric Zemmour, tandis que 20,1% ont été exprimés en faveur d’Emmanuel Macron et 16,7% en faveur de Marine Le Pen, les deux candidats ayant obtenu le plus de voix au premier tour de l’élection, a précisé le ministère de l’Intérieur à France 24.

MYTHE : Macron pourrait se servir de la guerre en Ukraine comme d’un prétexte pour retarder ou annuler l’élection présidentielle française.

LES FAITS : Emmanuel Macron ne peut pas constitutionnellement retarder ou annuler l’élection présidentielle de 2022 en raison de la guerre en Ukraine. La Constitution française précise quand les élections présidentielles doivent avoir lieu, ce qui laisse peu de marge de manœuvre pour faire des changements. L’article 7 de la Constitution de 1958 stipule que “l’élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du Président en exercice”. Le dernier jour du mandat d’Emmanuel Macron sera le 13 mai 2022. Ce même article de la Constitution ne prévoit que deux motifs justifiant le report de l’élection avant le premier tour de scrutin : si “un des candidats décède ou se trouve empêché”.

Après une réunion entre le Premier ministre Jean Castex et les principaux candidats à l’élection présidentielle (ceux qui, à l’époque, avaient recueilli au moins 300 des 500 signatures d’élus nécessaires pour se présenter) à l’hôtel Matignon à Paris, un conseiller ministériel a déclaré au Parisien le 28 février 2022, que ni le gouvernement ni les candidats n’envisageaient de déplacer les deux dates de l’élection. “On sort de deux heures de réunion, personne ne le réclame”, a-t-il dit.

Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel, qui veille à la régularité de l’élection du Président de la République, a confirmé qu’il serait impossible de reporter l’élection présidentielle dans un article de Ouest-France de mars 2022, qui soulignait que le scrutin ne pouvait être repoussé que dans des “circonstance tout à fait particulières, à savoir le décès ou l’empêchement – une grave maladie par exemple – d’une ou d’un des postulants”.

MYTHE : Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé les Français à voter pour Emmanuel Macron.

LES FAITS : Quelques jours après l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022, une vague de publications sur les réseaux sociaux a faussement affirmé que le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait appelé les Français à réélire Emmanuel Macron pour un second mandat.

Cette fausse information trouve ses origines dans une capture d’écran d’un tweet trafiqué de BFMTV. La fausse capture d’écran, largement partagée sur les réseaux sociaux, montre une photo de Volodymyr Zelensky, avec la légende : “EN DIRECT, Volodymyr Zelensky appelle les Français à voter pour Emmanuel Macron lors de la prochaine élection présidentielle”.

BFMTV n’a pas rapporté une telle information. Un porte-parole de la chaîne a déclaré à l’AFP en mars 2022 : “La chaîne n’a jamais publié un tel tweet ou un papier sur le site internet”. La capture d’écran a été fabriquée à partir d’un vrai tweet publié sur le compte Twitter officiel de la chaîne le 4 mars 2022. Celui-ci cite Volodymyr Zelensky affirmant que “si l’Ukraine tombe, l’Europe tombe avec nous”. Le président ukrainien n’a jamais apporté son soutien à la candidature d’Emmanuel Macron.

La capture d’écran trafiquée a d’abord été publiée par BLF.TV, un compte Twitter anti-Emmanuel Macron qui imite BFMTV et a publié de fausses informations sur la guerre en Ukraine. Dans un tweet du 6 mars 2022, Raphael Grably, journaliste responsable de l’actualité technologique pour BFMTV, a écrit à propos de cette capture d’écran : “Un montage grossier utilise l’image de BFMTV pour faire croire que Zelensky appelle à voter Macron (spoiler : le tweet est un fake)”.

MYTHE : Les électeurs ne disposant pas d’un pass vaccinal ne seront pas autorisés dans les bureaux de vote.

LES FAITS : Les électeurs sans pass vaccinal ne se verront pas refuser l’accès aux bureaux de vote lors de l’élection présidentielle de 2022.

Tout au long de la pandémie de COVID-19, plusieurs parlementaires français ont affirmé à tort que le Parlement avait refusé d’approuver des amendements qui auraient garanti qu’aucune preuve de vaccination contre le COVID-19 ni aucun pass sanitaire ne seraient nécessaires pour se rendre aux urnes. De telles déclarations ont incité de nombreux Français non vaccinés, et des commentateurs en ligne, à affirmer à tort que le pass vaccinal – qui fournit une preuve de vaccination contre le COVID-19, et qui était obligatoire dans certains lieux comme les bars et les restaurants avant sa suspension le 14 mars 2022 – entraînerait la perte de leur droit de vote.

Ces préoccupations ont été soulevées en janvier 2022, avant le vote sur le projet de loi remplaçant le pass sanitaire (qui exigeait une preuve de vaccination ou un test COVID-19 négatif) par le pass vaccinal. Des allégations similaires ont été faites à l’été 2021, lors de débats sur un projet de loi relatif à la gestion de la pandémie de COVID-19, qui avait rendu le pass sanitaire obligatoire pour certaines activités.

En réalité, aucun des deux projets de loi ne mentionnait les bureaux de vote dans leur liste de lieux où un pass sanitaire ou vaccinal serait demandé. Les électeurs non vaccinés peuvent accéder aux bureaux de vote et voter pendant l’élection présidentielle de 2022. Une décision du 9 novembre 2021 du Conseil constitutionnel précise qu'”en période électorale, la présentation du ‘pass sanitaire’ ne peut être exigée pour l’accès aux bureaux de vote ou à des réunions et activités politiques”.

Le 30 mars 2022, le ministère de l’Intérieur a publié un communiqué indiquant : “Il ne peut être exigé des électeurs et des personnes participant à l’organisation ou au déroulement du scrutin aucun des documents suivants : preuve de vaccination, certificat de rétablissement ou de réalisation d’un test virologique”.

Le 30 mars 2022, lors d’une conférence de presse, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a confirmé que, pendant l’élection présidentielle, “il n’y aura pas de pass sanitaire, de pass vaccinal, ou de test exigé pour aller voter, à l’entrée des bureaux de vote”. Il a ajouté : “Voter est un droit constitutionnel. Rien ne saurait interdire à une personne d’aller voter”. Les électeurs positifs au COVID-19 pourront également voter, a-t-il déclaré.

MYTHE : En novembre 2021, le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a annoncé l’introduction du vote électronique pour l’élection présidentielle de 2022.  

LES FAITS : En novembre 2021, une vidéo trafiquée qui semblait montrer le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal annonçant dans un discours récent la mise en place du vote électronique pour l’élection présidentielle d’avril 2022, a été postée sur Twitter, où elle a été vue plus de 230.000 fois, et retweetée plus de 2.500 fois, y compris par Florian Philippot, qui était alors candidat à l’élection présidentielle . (En avril 2022, ce tweet était toujours en ligne).

En réalité, cette vidéo avait été manipulée, et Gabriel Attal n’a pas annoncé, en novembre 2021, la prochaine mise en place du vote électronique.

Le clip apparaissant dans le tweet était bien réel. Toutefois, il n’était pas récent. Il avait été filmé lors d’un compte rendu du Conseil des ministres le 17 février 2021, plus de neuf mois avant la publication des tweets. Mais un gros titre utilisé par BFMTV en novembre 2021 avait été ajouté en bas de la vidéo, donnant l’impression que celle-ci était récente.

Dans la vidéo de février 2021, Gabriel Attal évoquait en effet un amendement qui avait été proposé par le gouvernement pour autoriser le vote par anticipation au moyen des machines à voter pendant la semaine précédant l’élection présidentielle. Cependant, cet amendement a été rejeté par le Sénat un jour plus tard. En novembre 2021, le gouvernement n’envisageait plus d’introduire le vote électronique par anticipation pour l’élection présidentielle.

Dans le tweet original qui est devenu viral, la vidéo, publiée par Philippe Murer, économiste et ancien conseiller économique de la candidate d’extrême droite à la présidentielle Marine Le Pen, était accompagnée d’un texte affirmant : “Attal annonce que le gouvernement va mettre en place le vote électronique pour la présidentielle. Pire que le vote par correspondance, il permettra des fraudes massives, invérifiables”. Dans un tweet publié par la suite, partageant la même vidéo, l’homme politique d’extrême droite Florian Philippot disait : “Alerte fraude ! Annonce par Attal porte-parole du gouvernement du ‘vote électronique’ ! Du fait du Covid bien sûr… Fraude et tricherie en marche !”.

Gabriel Attal a lui-même souligné que la vidéo n’était pas authentique, dans un tweet de novembre 2021 en réponse à Florian Philippot, disant : “Alerte deepfake, surtout ! Ceci est un montage juxtaposant un extrait tronqué datant du 17/02 et un bandeau BFM récent. Vous avez d’ailleurs oublié de mettre le logo BFM et l’heure en haut à gauche. J’y parlais d’un amendement vote électronique, qui n’a finalement pas été adopté”.

MYTHE : Dominion Voting Systems, la société de logiciels que l’ex-président américain Donald Trump et ses soutiens ont accusé à tort d’avoir détruit ou modifié des votes lors de l’élection présidentielle américaine de 2020, a été sélectionnée pour compter les votes lors de l’élection présidentielle française de 2022. 

LES FAITS : Il est faux d’affirmer que l’entreprise américaine d’informatique Dominion Voting Systems a participé au dépouillement des votes de l’élection présidentielle française de 2022, ou qu’elle avait été sélectionnée dans ce but.

Des articles et des publications sur les réseaux sociaux qui ont fait la promotion de cette fausse allégation ont souvent cité comme preuve un communiqué de presse du Conseil constitutionnel, l’institution chargée de veiller à la régularité de l’élection présidentielle, publié en janvier 2022, et qui rendait compte d’une réunion entre le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Ce communiqué de presse indiquait que Gérald Darmanin avait “évoqué la possibilité que, après concertations, le Gouvernement élabore de nouvelles mesures d’organisation qui apparaîtraient rendues nécessaires par la crise sanitaire, afin de garantir le bon déroulement de l’élection présidentielle” et que Laurent Fabius, dans sa réponse, avait “confirmé que l’adoption de telles mesures appellerait un contrôle du Conseil constitutionnel”. Dans ce communiqué de presse, la nature de ces “nouvelles mesures organisationnelles” n’était pas précisée, ce qui a conduit plusieurs sites de mésinformation et utilisateurs des réseaux sociaux à spéculer qu’elles comprendraient l’utilisation de logiciels tels que Dominion.

Par exemple, le jour de la publication de ce communiqué, Florian Philippot, alors candidat à la présidentielle, a tweeté un lien vers ce texte, accompagné du message suivant : “Le Conseil constitutionnel confirme que le gouvernement demande ‘de nouvelles mesures d’organisation de l’élection présidentielle’ ! Fraudes par vote par correspondance ? Vote électronique ? Notre vigilance est absolue car ils sont prêts à tout !” 

En mars 2022, de nombreux utilisateurs de Twitter ont affirmé, sans preuve, que le gouvernement français avait passé un contrat avec Dominion pour compter les votes lors de l’élection présidentielle française, et le hashtag Dominion a été parmi les plus discutés les 18  et 19 mars 2022, avec plus de 25.000 tweets chaque jour, selon l’AFP, citant l’outil de surveillance des réseaux sociaux Visibrain.

Pourtant, avant le scrutin, Dominion et le ministère de l’Intérieur ont tous deux nié que Dominion soit impliquée de quelque manière que ce soit dans l’élection présidentielle française de 2022. En mars 2022, un représentant de Dominion a déclaré à l’AFP que “Dominion Voting Systems n’opère pas en France”. Un porte-parole du ministère de l’Intérieur a également déclaré à l’AFP : “Le ministère de l’Intérieur ne fait pas et n’a jamais fait appel aux services de la société Dominion dans le cadre de l’organisation des élections (…) Les résultats du dépouillement des votes dans chaque commune sont communiqués le soir de l’élection en temps réel au ministère de l’Intérieur par les communes, via les préfectures, au moyen de systèmes informatiques de centralisation des résultats développés par les services informatiques du ministère de l’Intérieur depuis plusieurs années, qui font l’objet de tests et d’une homologation de sécurité sous l’égide notamment de l’ANSSI (l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, ndlr) afin d’éviter toute tentative de manipulation. (…) Le ministère de l’Intérieur ne fait pas appel à des prestataires extérieurs dans le cadre de ces opérations de centralisation des votes”.

Après l’élection présidentielle américaine de 2020, Donald Trump et ses partisans ont affirmé à tort qu’un logiciel de vote géré par Dominion Voting Systems avait entraîné la suppression de nombreux votes en faveur de Donald Trump ou leur attribution à Joe Biden. Ces affirmations ont été rejetées par l’Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures (CISA) des Etats-Unis, l’agence fédérale qui surveille la sécurité des élections américaines, qui a qualifié l’élection de 2020 de “plus sûre de l’histoire américaine”, ajoutant : “Il n’y a aucune preuve qu’un système de vote ait détruit ou perdu des votes, changé des votes, ou ait été compromis d’une quelque manière que ce soit”. 

MYTHE : Emmanuel Macron a été crédité à tort du meilleur score au terme du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, a cause des sociétés de vote électronique Dominion et Scytl, ce qui signifie que son quinquennat n’était pas légitime. 

LES FAITS :  Aucun élément ne permet d’affirmer que des serveurs appartenant aux sociétés de vote électronique Scytl ou Dominion ont attribué à tort à Emmanuel Macron des votes destinés à d’autres candidats au premier tour de l’élection présidentielle de 2017. 

En mars 2022, un porte-parole du ministère de l’Intérieur a déclaré à l’AFP : “le ministère de l’Intérieur ne fait pas et n’a jamais fait appel aux services de la société Dominion dans le cadre de l’organisation des élections”.

Quant à l’entreprise de logiciels électoraux Scytl, basée à Barcelone, et qui vend des logiciels de vote en ligne, elle liste le ministère français des Affaires étrangères parmi ses clients sur son site web. Toutefois, son logiciel de vote par internet n’a été utilisé que pour des élections consulaires et législatives pour les Français résidant à l’étranger, selon le site du ministère français des Affaires étrangères, le site de Scytl et un article du Figaro publié en 2017.

Le site du ministère français des Affaires étrangères indique que la loi n’autorise pas le vote par internet pour les élections présidentielles. Seuls les Français vivant à l’étranger sont autorisés à voter par internet : pour les élections consulaires et, parfois, législatives.

Sur le plan national, la plupart des lieux de vote exigent que les électeurs utilisent des bulletins de vote papier. Certaines municipalités utilisent des machines à voter électroniques, mais seulement 1,3 million d’électeurs français dans 66 municipalités ont disposé de machines à voter électroniques lors de l’élection présidentielle de 2017, comme l’a rapporté l’AFP en mai 2021. Ces machines n’étaient pas connectées ni à internet ni entre elles, et les choix des électeurs étaient imprimés sur un reçu papier à la fermeture des bureaux de vote et communiqués au ministère de l’Intérieur de la même manière que les résultats des bulletins de vote papier, selon l’AFP. Les machines à voter fabriquées par trois entreprises ont été autorisées pour l’élection présidentielle de 2017, selon le site du ministère de l’Intérieur, et ces entreprises ne comprenaient ni Dominion ni Scytl.

Dans ses observations sur l’élection présidentielle de 2017, publiées en juillet 2017, le Conseil constitutionnel, chargé de veiller à la régularité de l’élection présidentielle, a annoncé que l’élection s’était “dans l’ensemble déroulée dans de bonnes conditions”. Les “entorses” aux règles de vote “occasionnellement constatées” par le Conseil constitutionnel ne concernaient ni le vote électronique ni des serveurs de quelque nature que ce soit, et consistaient surtout en des manquements mineurs au respect des procédures dans les bureaux de vote, comme la “non-accessibilité de certains bureaux de vote aux personnes handicapées” et “l’absence de contrôle de l’identité des électeurs dans des communes dont la population est pourtant égale ou supérieure à 1.000 habitants”. 

La France a également invité l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), une organisation régionale de sécurité composée de 57 États dont la mission comprend la promotion des élections démocratiques, à observer l’élection présidentielle de 2017. Le rapport de l’OSCE ne mentionne aucune fraude observée à cette occasion.

MYTHE : En mars 2022, un nouveau sondage a annoncé qu’Eric Zemmour allait gagner l’élection présidentielle.

LES FAITS : En mars 2022, des dizaines de comptes sur les réseaux sociaux soutenant le candidat d’extrême droite Eric Zemmour ont partagé une infographie d’un sondage en anglais et en chinois, montrant qu’Eric Zemmour arriverait en tête au premier tour du scrutin, devant le candidat de gauche radicale Jean-Luc Mélenchon. L’infographie semble avoir émergé pour la première fois le 28 mars 2022, sur un compte Twitter depuis supprimé, avec la légende “Les sondages faits à l’étranger sont différents de ceux de la métropole”. À l’époque, Eric Zemmour se trouvait derrière la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen et le président Emmanuel Macron dans la plupart des sondages. L’infographie a été partagée au cours des jours suivants, avec des commentaires affirmant que les sondages des médias français étaient biaisés et sous-estimaient la popularité d’Eric Zemmour.

Selon l’infographie, la source du sondage était “un fonds d’investissement de Singapour en collaboration avec Le Temps”, un journal suisse. En réalité, ce sondage n’est jamais apparu sur le site web du Temps. Richard Werly, correspondant permanent du Temps à Paris, a déclaré à CheckNews, l’équipe de vérification des faits de Libération : “Le Temps n’a commandé aucun sondage sur l’élection présidentielle et nous n’avons pas l’intention de le faire”.

Au début du mois de mars, des partisans d’Eric Zemmour ont partagé un sondage assez similaire indiquant que leur candidat allait remporter l’élection. Les résultats du sondage étaient attribués à des “fonds d’investissement de Singapour et de Suisse”, sans aucun détail permettant de les identifier. NewsGuard a constaté qu’aucun média crédible n’avait relayé ce sondage. En fait, il a été mentionné pour la première fois dans un tweet du 8 mars 2022 par Daniel Soum, qui se décrit dans son profil Twitter comme un journaliste retraité basé en Thaïlande et chef local du parti Reconquête d’Eric Zemmour.

Au cours des mois précédant l’élection, les partisans d’Eric Zemmour et les membres de sa campagne ont à plusieurs reprises fait la promotion de sondages conçus sur mesure et dont la méthodologie est inconnue, tout en reprenant l’affirmation souvent répétée par Eric Zemmour selon laquelle les sondages traditionnels ne reflètent pas son avance réelle parmi les vrais électeurs, comme l’a rapporté BFMTV en mars 2022.

MYTHE : CNN a fait état du scandale McKinsey, tandis que les médias français, eux, sont restés silencieux sur ce sujet. 

LES FAITS : En mars 2022, moins d’un mois avant l’élection présidentielle, une capture d’écran montrant le présentateur de CNN Jake Tapper a fait surface sur Twitter, avec une fausse légende en anglais, disant : “Les Français savent pour McKinsey mais il n’y a pas de révolution”. La capture d’écran a été republiée par des milliers de comptes, avec de nombreux utilisateurs ajoutant un commentaire affirmant que, contrairement aux médias français, CNN avait couvert le “scandale” impliquant la société de conseil américaine McKinsey.

Cette image a en réalité été créée par le compte Twitter @SilkysilkK, qui l’avait d’abord partagée dans un tweet du 20 mars 2022, avec le commentaire :  “Vu des US. #McKinsey est un énorme scandale qui devrait couler #Macron dans une démocratie fonctionnelle”. 

@SilkysilkK a par la suite clarifié dans un autre tweet: “La photo est un montage, pas un vrai titre de CNN”. La capture d’écran d’origine est issue d’un reportage vidéo du 7 octobre 2014 dans lequel Jake Tapper discute de la nomination du coordinateur de la lutte contre le virus Ebola pour la Maison blanche. La même capture d’écran est disponible sur le générateur de mèmes Imgflip.com, qui permet de créer de fausses captures d’écran de CNN avec ses propres titres. Au 6 avril 2022, le tweet de @SilkysilkK avait été aimé plus de 7.000 fois et partagé environ 5.000 fois, notamment par des utilisateurs pensant l’image authentique. 

McKinsey s’est trouvé au coeur d’une controverse nationale en mars 2022, après qu’un rapport du Sénat français sur l’influence des sociétés de conseil dans les politiques publiques a révélé que l’administration d’Emmanuel Macron avait dépensé au moins un milliard d’euros en contrats avec des sociétés de conseil en 2021, notamment avec McKinsey, malgré des “résultats inégaux”. Ce rapport accusait aussi la filiale française de McKinsey de ne pas avoir payé d’impôts sur les sociétés pendant près de dix ans. Ce rapport a été publié le 17 mars 2022, le jour où Emmanuel Macron a présenté son programme, lors d’une conférence de presse. McKinsey a démenti ces accusations. Le 6 avril 2022, le Parquet national financier a annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire visant la société, pour blanchiment aggravé de fraude fiscale. 

“L’affaire McKinsey” a été largement couverte dans la presse, notamment par Le Monde, Le Figaro, et Mediapart, contrairement aux allégations qui prétendent que les médias français n’ont pas relayé cette affaire. De nombreux médias ont interrogé Emmanuel Macron et ses adversaires politiques sur le sujet. “Quand on veut accélérer, aller très vite et très fort sur une politique, il faut parfois avoir recours à des prestataires extérieurs à l’Etat”, a déclaré Emmanuel Macron à la presse en mars 2022.